Christian Chavagneux :
(© Alternatives Economiques,
hors-série, n°47, 2001)
Les mots du pouvoir
Ajustement structurel
Les organisations non gouvernementales
(ONG) et nombre de dirigeants des pays du Sud en ont fait leur bête
noire. Présentées comme de véritables diktats, les
politiques d'ajustement structurel regroupent l'ensemble des mesures que
les pays en développement sont amenés à mettre en
oeuvre lorsqu'ils ont recours à l'aide financière du Fonds
monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Ces mesures
comportent une dimension conjoncturelle, qui repose sur des politiques
d'austérité réduction des déséquilibres
budgétaires (baisse des dépenses publiques, augmentation
des impôts) et hausse des taux d'intérêt. L'objectif
est de casser la croissance interne, considérée comme la
cause principale des déséquilibres extérieurs.
L'ajustement est aussi structurel,
dans la mesure où, depuis la fin des années 80, FMI et Banque
mondiale demandent aux pays qu'ils soutiennent de réorganiser leur
économie selon une orientation libérale ouverture des frontières,
libéralisation financière, privatisations, etc. Ces mesures
sont censées assurer un équilibre durable des finances publiques
et des échanges extérieurs. L'ensemble de ces politiques
est souvent baptisé «consensus de Washington », ville
où sont basés le FMI et la Banque mondiale.
Banque mondiale
Créée en 1944, elle
compte 181 membres. C'est la somme de plusieurs institutions, dont la Banque
pour la reconstruction et le développement (la Bird, chargée
de définir des projets de développement et qui définit
avec le FMI, les programmes d'ajustement structurel), de l'Agence internationale
pour le développement (AID, créée en 1960, 161 membres,
qui apporte, une aide aux pays les plus pauvres) et de la Société
financière internationale (SF1, créée en 1956, 174
membres, qui apporte des financements au secteur privé).
La Banque mondiale fait l'objet de
fortes contestations de la part des ONG internationales pour son faible
respect des normes sociales et environnementales dans les projets qu'elle
finance, ainsi que pour l'inefficacité de sa stratégie de
lutte contre la pauvreté.
Banque des réglements
internationaux
Créée en 1930, la
BRI est composée en nombreuses institutions et comités techniques
liés aux questions financières internationales. Elle rassemble
les représentants des banques centrales de 49 places financières.
Son rôle est d 'assurer la sécurité du système
financier international, en veillant à ce que les grandes
banques internationales ne prennent pas trop de risques.C 'est notamment
le rôle du Comité de Bâle pour la supervision
bancaire. Celuici est désormais dominé par les banques internationales
les plus puissantes, qui l'utilisent pour produire des normes internationales
de surveillance qui les avantagent, au détriment de la sécurité
du système financier.
Economie politique internationale
L'EPI recouvre deux sens. Sur le
plan théorique, elle regroupe les chercheurs qui se reconnaissent
dans l'approche originale initiée au début des années
70 par la chercheuse britannique Susan Strange. Vingt ans avant tout le
monde, elle posait la question de la maîtrise politique de la mondialisation
économique, dont elle avait reconnu les ressorts puissants. Sa réflexion
sur le pouvoir dans l'économie mondiale la poussait a' demander
aux économistes et aux politologues spécialistes des relations
internationales de travailler ensemble plutôt que de s'ignorer Peu
développée en France, l'EPI attire un nombre important d'étudiants
aux Etats-Unis (selon une approche centrée sur le rôle des
Etats), au Royaume-Uni (dans le cadre d'une approche plus large), en Italie,
aux Pays-Bas et au Japon. Cette discipline reconnue dispose de ses revues
spécialisées, de ses séminaires internationaux et
de ses départements universitaires. C'est pourquoi plusieurs des
auteurs de ce hors-série se présentent comme professeur d'économie
politique internationale».
Deuxième sens dans leur volonté
de montrer que les évolutions économiques ne résultent
pas de considérations naturelles ou purement techniques, mais de
rapports de force, les spécialistes d'EPI préfèrent
parler d'économie politique mondiale, plutôt que d'économie
mondiale.
Firmes transnationales
Entreprises exerçant leurs
activités sur plusieurs territoires. Ces activités peuvent
prendre plusieurs formes l'exportation de produits partout dans le monde
a' partir d'une base nationale; la production à l'étranger
par le recours a' l'investissement direct ou au rachat d'entreprises locales;
une organisation mondialisée de l'invention, de la production, de
la vente et du financement des produits.
Fonds monétaire international
Créé en 1944, le FMI
compte 182 pays membres. Sa mission première est d'assurer la stabilité
du système monétaire international. A partir des années
80, il développe ses interventions sur les politiques économiques
et les structures productives des économies en développement
ou en transition. II s'impose également comme le principal coordonnateur
des réponses des Etats les plus riches lors des crises financières
internationales. Dirigé par les représentants des ministères
des Finances, le FMI cherche a' s'imposer comme la première des
institutions internationales, n'hésitant pas à empiéter
sur les domaines d'action de la Banque mondiale et de la Banque des règlements
internationaux. Le gouvernement et le congres des Etats-Unis y exercent
une influence prépondérante.
Groupe des 7
Créé en 1975, le G7
est un lieu de négociation entre les sept pays les plus riches de
la planète (Etats-Unis, Canada, France, Royaume-Uni, Allemagne,
Italie, Japon), auxquels s ajoutent un représentant de l'union européenne
et un de la Russie pour les discussions politiques (G 8). Le 67 est en
fait un lieu où les Etats-Unis tentent d'influencer les autres pays
riches. Ses actions concrètes sont limitées (elles se résument
aux accords des années 80 pour stabiliser la montée puis
la chute du dollar face aux grandes devises).
Gouvernance mondiale
Après mondialisation, c'est
assurément le mot le plus à la mode pour parler des rapports
de force au sein de l'économie mondiale. Ce n'est pas un concept
théorique bien défini. On peut dire que la gouvernance de
l'économie mondiale touche à tous les processus par lesquels
des règles collectives internationales sont élaborées,
décidées, légitimées, mises en oeuvre et contrôlées.
Le champ d'étude ainsi défini est vaste. Mais il a l'avantage
d'obliger à s'interroger sur tous les acteurs susceptibles d'influencer
ces différentes étapes et à ne pas se contenter d'analyser
le rôle des Etats et des institutions économiques internationales,
comme le FMI ou l'OMC.
Hégémonie
Position de domination exercée
par un acteur international, essentiellement un Etat. L'hégémonie
suppose une position dominante dans de nombreux domaines (économique,
militaire, scientifique...). Pour certains auteurs, elle est l'expression
directe d'un rapport de force; pour d'autres, elle ne peut subsister que
Si elle est légitime aux yeux de ceux qui la subisse.
OCDE
L'Organisation de coopération
et de développement économiques a été créée
en 1961. Elle représente un lieu de rencontre et de négociation
pour les pays riches, principalement sur le thème de la mondialisation.
Elle compte 29 membres. C'est à l'OCDE qu'avait été
négocié secrètement l'Accord multilatéral sur
l'investissement (AMI), qui visait à donner aux entreprises une
grande liberté pour investir sans contrainte partout dans le monde.
Organisation internationale
du travail
Créée en 1919, l'OIT
regroupe des représentants des gouvernements, des salariés
et des employeurs. Son secrétariat est assuré par le Bureau
international du travail (BIT). Le BIT s'efforce de faire respecter les
normes fondamentales en matière de travail la liberté syndicale
et la reconnaissance effective du droit à la négociation
collective, l'élimination de toute forme de travail forcé
ou obligatoire, l'abolition effective du travail des enfants et l'élimination
de la discrimination dans l'emploi.
Organisation mondiale du commerce
Créée en 1994, l'OMC
organise les négociations commerciales internationales entre les
139 pays membres qui la composent et leur sert de lieu d'arbitrage en cas
de conflits, par l'intermédiaire de son organe de règlement
des différends. Elle est fortement contestée par les ONG,
dans la mesure où elle donne la priorité aux principes du
libre-échange sur la prise en compte du respect des normes sociales
et environnementales nationales.
Orgnaisations non gouvernementales
La dénomination ONG regroupe
un ensemble d'acteurs hétérogènes correspondant au
regroupement libre de personnes dans des activités à but
non lucratif Les ONO agissent généralement à plusieurs
niveaux (local, national, international). Pour Béatrice Pouligny,
chercheuse au Ceri, on peut dire qu'une ONG exerce une activité
internationale lorsqu'elle répond à quatre critères
: des échanges d'informations avec des acteurs étrangers
; des réseaux de mobilisation dans plusieurs pays la possibilité
d'organiser des actions en direction d'États ou d'institutions internationales
situés hors de leur territoire d'origine; un intérêt
et des priorités d'actions sur des thèmes touchant à
l'économie et à la politique mondiales.
Pouvoir
Une distinction est généralement
proposée entre le pouvoir économique et le pouvoir politique
des États. Le premier est lié à la puissance d'une
économie nationale, mesurée par l'importance du PIB. Le second
correspond au pouvoir diplomatique et militaire. Concrètement, il
est cependant difficile de distingue les deux. Difficile d'avoir du pouvoir
politique avec une petitE économie, sans croissance Il est tout
aussi difficile d'avoir du pouvoir économique sans la sécurité
que procure l'autorité politique. En outre, cette définition
du pouvoir ne s'applique qu'aux seuls Etats.
On peut proposer une autre distinction, celle entre le pouvoir relationnel et le pouvoir structurel. Le pouvoir relationnel est celui que détient un acteur particulier de forcer directement un autre acteur à faire ce qu'il n'aurait pas fait sinon. C'est un pouvoir qui repose sur la force, la domination. Le pouvoir structurel est le pouvoir de façonner el de déterminer les structures de l'économie mondiale, au sein desquelles les autres acteurs devront forcément s'inscrire. C'est le plus important.
Comment le repérer? Il existe
quatre structures principales du système international, qui sont
en interaction celles de la sécurité, de la production, de
la finance et du savoir. N'importe quel acteur peut alors détenir
du pouvoir structurel : les Etats, mais aussi les firmes, les mafias, etc.
Le pouvoir peut être intentionnel, exercé à dessein
par un ou plusieurs acteurs. Il peut aussi être non intentionnel
le résultat de l'exercice du pouvoir n'est pas toujours le fruit
de stratégies délibérées, mais aussi une conséquence
induite des actions des puissants.