Les interventions militaires des Etats-Unis
dans une perspective historique

                                                             Par Howard Zinn

                                                        Grenoble, le 5 mai 2003
 

Tout d'abord, laissez-moi remercier Francis Feeley d'avoir travaillé si dur et si efficacement pour organiser ce colloque

    Je vais parler des "interventions militaires des Etats-Unis dans une optique historique". Je dois vous dire que je ne suis pas devenu historien pour être un historien professionnel qui assiste à des rencontres académiques, qui écrit des articles pour des revues universitaires. Je ne suis pas devenu historien afin de me plonger dans le passé, quelque fascinant que ce soit- et disparaître.

    Mon approche, je crois, découle de ce que j'ai vécu tout au long de ma vie. J'ai grandi dans un milieu ouvrier- mon père, ma mère, nos voisins- étaient tous des ouvriers. A l'âge de dix-huit ans, je suis allé travailler
sur un chantier naval pendant trois ans. Je pense que je peux dire que de ces premières années j'ai acquis une certaine conscience de classe.     Le concept de "conscience de classe" ne fait pas partie de la culture américaine. On nous apprend que nous, les Américains, sommes une grande famille heureuse, que nous partageons les mêmes intérêts. Nous avons un vocabulaire qui essaie de nous réunir tous. Nos dirigeants politiques parlent de "sécurité nationale" de "défense nationale" ou de "l'intérêt national" comme s'il y avait un intérêt national, comme si Exxon et moi avions le même intérêt, comme si le Président Bush et moi avions le même intérêt.

    Sans que je me le sois formulé durant ma jeunesse, je savais bien que ce n'était pas vrai, que la société était divisée par des intérêts de classe. C'est en lisant Marx pour la première fois, alors que je travaillais sur le chantier naval, que ce sentiment a trouvé son expression :"L'histoire de la société qui a existé jusqu'ici est l'histoire de luttes de classes." Cette prise de conscience m'a marqué pour le restant de ma vie et m'a amené à examiner les phénomènes sociaux d'un point de vue particulier.

    J'ai quitté le chantier naval pour m'engager dans l'Armée de l'air et suis devenu bombardier. Je décolais d'une base en Angleterre sur un gros bombardier de la huitième Armée de l'air et je lachais des bombes sur différents endroits en Europe, dont la petite ville française de Royan sur la côte atlantique.

    Si j'essaie de comprendre ma position sur les guerres menées par les Etats-Unis(la Corée, le Vietnam, Grenade, le Panama, l'Irak, l'Afghanistan, et de nouveau l'Irak) ainsi que sur la guerre en général, je dois dire qu'elle découle de deux histoires.

    L'une est l'histoire de mes propres idées sur la guerre qui se sont modifiées de l'époque où j'étais un bombardier enthousiaste, à mon opposition grandissante à l'idée même de faire la guerre.

   L'autre histoire, c'est ce que j'ai commencé à apprendre quand j'ai quitté l'Armée de l'Air et que j'ai commencé à étudier l'histoire, et que, plus seul que dans des cours à l'université, j'ai étudié l'histoire de la politique étrangère des Etats-Unis.

   J'ai été bombardier durant la Deuxième Guerre mondiale qui, comme tout le monde le sait, a été "la bonne guerre", la meilleure des guerres. J'ai eu une fois une étudiante qui a écrit une dissertation sur la guerre. Elle a
écrit : "les guerres sont comme des vins, il y a de bonnes années et de mauvaises années. Mais, a t-elle continué, les guerres ne sont pas comme des vins, mais comme du cyanure. Une goutte et vous êtes mort."

    Ce n'est que lorsque j'ai été libéré et suis revenu à la vie civile et que j'ai réfléchi à mon expérience, que la prétendue "bonne guerre" est devenue une question bien plus compliquée. Je crois que mon point de vue a
commencé de changer à la lecture d'un livre "Hiroshima", d'un journaliste américain, John Hersey. Hersey s'est rendu à Hiroshima peu après la destruction de la ville par la bombe atomique. Il a interviewvé beaucoup de
survivants. Vous pouvez imaginer comment étaient les survivants : aveugles, sans bras ou jambes, lar peau horrible à voir.

    Quand j'ai lu leurs récits pour la première fois, j'ai compris les conséquences des bombardements. J'avais bombardé tous ces endroits en Europe sans savoir ce que je faisais. Quand vous lachez des bombes à dix mille
mètres d'altitude, vous n'entendez même pas les explosions. Vous n'entendez pas les cris, vous ne voyez pas le sang, vous ne voyez pas les corps déchirés des enfants. C'est possible alors de revenir d'une mission de
bombardement- comme nous voyons les pilotes américains revenir de missions en Afghanistan ou en Irak- le sourire aux lèvres, heureux, parce qu'ils ont atteint leur cible, sans qu'ils se rendent compte des morts et des
souffrances causées par leurs bombes.

    J'ai commencé alors à penser aux missions que j'avais faites. J'ai commencé à penser à la dernière de ces missions, le bombardement de Royan, en milieu du mois d'avril 1945. C'était trois semaines avant la fin de la
guerre; tout le monde savait que la guerre était finie. Les Alliés avaient libéré la France et avaient pénétré assez loin en Allemagne. Pourquoi allions-nous bombarder une ville sur la côte atlantique en France?
Parce que, selon nos services de renseignements, il restait une poche de soldats allemands près de Royan. Ils ne faisaient rien, ils attendaient seulement la fin de la guerre. Mais nous devions les éliminer. Ainsi nous allions emporter un nouveau type de bombe dans nos soutes à bombes- pas les bombes habituelles de 250 kilogs, mais 30 cylindres de cinquante kilos d'essence en gelée : c'était du napalm- la première utilisation du napalm
dans la guerre en Europe.

    Nous avons survolé Royan- 1200 gros bombardiers pour attaquer quelques milliers de soldats allemands- et nous avons laché nos bombes, tuant les soldats, mais détruisant la ville de Royan. Nous ne savons pas combien de
personnes sont mortes dans ce bombardement.(50 soldats alleamnds, 900 civils français) Je n'y ai même pas pensé alors. C'est la guerre moderne, on tue à distance, le tueur ne connait pas la victime, ne la voit pas, ne l'entend pas.

    La lecture du livre sur Hiroshima m'a fait penser à tout cela. Même les équipages des avions qui ont bombardé Hiroshima et Nagasaki n'ont pas vu d'êtres humains-seulement les nuages en forme de chmapignons, qui ont pu
leur sembler tout à fait impressionnants. Jer me suis souvenu du fils de Benito Mussolini qui lachait des bombes sur l'Ethiopie et qui décrivait ce qu'il avait vu come une belle fleur qui s'ouvrait.

    J'ai commencé à réexaminer l'idée que nous étions les bons de la Deuxième Guerre mondiale et que eux-les Fascistes- étaient les mauvais. Oui, ils étaient certainement les mauvais, oui, les plus mauvais. Mais je me suis
rendu compte que j'avais fait un saut en logique. Je pensais que si l'autre côté était mauvais, alors nous devions être bons. Mais cela ne découlait pas logiquement. Oui, ils étaient des fascistes, les pires exemples de la race
humaine. Mais qu'étaient les nations alliées? La France, l'Angleterre, les Etats-Unis-les puissances impériales de l'Occident. Et alliées à la Russie de Staline. Se battaient-elles contre l'Allemagne, l'Italie, le Japon, parce qu'elles se préoccupaient des Juifs, des Chinois ou des victimes du ,fascisme- ou se préoccupaient-elles en premier lieu de ce que leurs colonies étaient menacées, de ce que leur pouvoir national était menacé?

    L'écrivain afro-américain, Zora Neale Hurston, a écrit qu'au début de la Deuxièmpe Guerre mondiale : "Tout autour de moi, on verse des larmes amères sur le sort de la Hollande, de la Belgique, de la France et de l'Angleterre. Je dois dire que cela me laisse indifférente. J'entends des gens qui sont révulsés à l'idée que l'Allemagne lève des impôts en Hollande. Je n'ai jamais entendu quelqu'un condamner la Hollande qui prenait un douzième du salaire des pauvres en Asie." Ses éditeurs ont censuré ce passage dans ses mémoires.

    Il est certain que le fascisme était inacceptable. Pourtant, la guerre contre le fascisme, telle qu'elle fut menée par les puissances impériales, fut menée de façon impitoyable. Quand Mussolini bombarda l'Ethiopie, quand
Hitler et Mussolini bombardèrent Madrid et Guernica durant la guerre civile espagnole, quand les Allemands bombardèrent Rotterdam et Coventry au début de la Seconde Guerre mondiale, le monde occidental fut horrifié. C'était une forme de guerre nouvelle et barbare que des bombes lachées sur la population
civile de villes.

    Mais bientôt l'Angleterre et les Etats-Unis firent de même, mais à une plus grande échelle. Des dizaines de milliers de morts en une nuit de bombardement à Hambourg et à Frankfort, quatre-vingt mille ou une centaine
de mille en une journée de bombardement à Dresde, et au printemps de 1945, même avant Hiroshima et Nagasaki, l'aviation américaine a brûlé Tokyo et une centaine de milliers de personnes sont mortes en une nuit. Ensuite il y eut Hiroshima et Nagasaki.

    Et nous étions les "bons". Je me suis rendu compte au bout d'un certain temps qu'un certain phénomène psychologique se produit. Une fois que vous avez décidé que vous êtes les bons qui se battent contre les mauvais, il n'y a plus de raison d'enquêter, plus de question à se poser; tout ce que vous faites est moralement acceptable.

    J'en suis arrivé à la conclusion, en considérant tout cela après la guerre, que la guerre corrompt tous ceux qui la mènent. La guerre est séduisante parce qu'elle prétend résoudre les problèmes, et elle le fait sans doute pour un temps. Elle vous débarrasse d'un tyran ou d'un autre, Mussolini, Hitler, la machine de guerre japonaise et oui, Saddam Hussein. Mais vous débarrasse t-elle de la tyrannie elle-même?

    Je regardais le monde après la Deuxième Guerre mondiale : le fascisme avait disparu d'Allemagne, d'Italie et du Japon. Mais le fascisme avait-il disparu du monde? C'en était fini du racisme d'Hitler, mais est-ce que c'en était fini du racisme dans le monde? Quant à la guerre elle-même- cinquante millions de morts-est-ce que ce ne serait pas la fin de la guerre dans l'histoire humaine? Je me rappelle, lorsque j'ai été rendu à la vie civile, avoir reçu une lettre du Général des Armées, George Marshall- pas une lettre personnelle bien sûr, mais une lettre envoyée à seize millions d'hommes qui avaient servi dans l'armée durant la Deuxième Guerre mondiale. La lettre disait : "Félicitations. Nous avons remporté la victoire. Nous vivrons dans un monde meilleur, plus pacifique".

    Nous savons que c'était une fausse promesse. Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons connu une guerre après l'autre, des interventions militaires trop nombreuses pour qu'on puisse les compter. Chacune prétendait avoir un noble but : arrêter l'expansion du communisme, comme en Corée et au Vietnam, arrêter le trafic de drogue, comme au Panama, arrêter une agression comme dans la première guerre du Golfe, éliminer les armes de destruction massive ou débarrasser le monde d'un dictateur brutal, comme durant l'invasion de l'Irak.

    Le résultat d'une guerre peut être momentanément une victoire sur la tyrannie ou contre l'agression, comme durant la Deuxième Guerre mondiale, mais la guerre ne résoud pas les problèmes fondamentaux. La guerre n'est pas; destinée à faire cela parce qu'elle est un instrument de l'Etat-nation dont les buts ne comprennent pas de changements fondamentaux dans les relations de classes. Vous commencez à le comprendre quand vous considérez la guerre comme un phénomène de classes, quand vous voyez que ce qu'on appelle "l'intérêt national" ne représente pas l'intérêt du peuple, que ce soit dans votre pays ou dans celui du prétendu "ennemi".

   Il y a quelque chose de fondamentalement immoral dans le phénomène de la guerre, quel que soit ce qui est accompli momentanément. C'est une question de fins et de moyens. La guerre conduit toutjours par sa nature à la mort et à la destruction, à une très grande échelle. C'est certain. Les moyens de la guerre sont connus et  erribles. Les fins, les conséquences de la guerresont toujours incertaines.

    Je n'en suis pas arrivé à une position de pacifisme absolu. Outre le fait que toute position jusqu'au-boutiste est suspecte, je reconnais qu'il peut y avoir des intervention qui, sans être des guerres, impliquent l'usage limité et très ciblé de la force, qui peuvent arrêter un génocide. Mais cela ne décrit pas les guerres que vous avons connues au siècle dernier. Cela ne décrit pas les guerres et les interventions militaires des Etats-Unis depuis
la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

    Mon histoire personnelle m'a conduit à ces conclusions et je serais heureux de les débattre avec vous parce que ce sont des idées discutables. Ces expériences personnelles au début de mes études d'histoire m'ont fait
porter un regard sceptique sur l'histoire traditionnelle que je découvrais dans mes manuels et mes cours. Il devenait clair pour moi que j'étais confronté à une histoire déformée par le nationalisme, par l'idée du
caractère exceptionnel de l'histoire des Etats-Unis, l'idée que, alors que d'autres pays étaient impérialistes, les Etats-Unis étaient différents, que mon pays exerçait une influence bienfaisante dans le monde. Ses
interventions militaires étaient destinées à faire progresser la cause de la liberté et de la démocratie.

    Elihu Root, Ministre de la Guerre, a dit en 1899 : "Le soldat américain est différent de tous les autres soldats de tous les autres pays depuis l'origine des temps. Il représente l'avant-garde de la liberté et de la justice, de la loi et de l'ordre, de la paix et du bonheur."

    Mais alors que je commençais à étudier l'histoire de la politique étrangère des Etats-Unis, j'ai été incapable d'y croire un instant.

    Si vous n'étudiez pas l'histoire, c'est comme si vous étiez né hier. Et Si vous êtes né hier, tout dirigeant, le président des Etats-Unis par exemple, peut annoncer que la sécurité nationale exige d'attaquer un autre pays. Sans connaissance historique, vous pouvez n'avoir pas de raison d'en douter. Particulièrement si l'on vous dit que c'est une guerre pour ladémocratie, pour la liberté, pour éliminer une tyrannie.

   Si vous aviez des connaissances historiques, vous examineriez les raisons données par le gouvernement pour justifier son action militaire, et ous verriez qu'elles sont dénuées de sens. Le gouvernement vous dit que l'ennemi possède des armes terribles, qu'il peut être en possession bientôt d'une bombe nucléaire, mais vous savez que huit autres pays ont développé des armes nucléaires, qu'Israel en a deux cents et que les Etats-Unis en ont dix mille.
    On vous dit que le gouvernement que nous sommes sur le point d'attaquer, a violé les résolutions du Conseil de sécurité, et vous savez que beaucoup d'autres pays, dont Israel, dont les Etats-Unis, ont violé des résolutions
du Conseil de sécurité, et qu'une attaque  préventive contre un autre pays serait une violation de la Charte des Nations Unies.

    On vous dit que la guerre est nécessaire pour renverser une tyrannie, mais vous savez que, en ce qui concerne les tyrannies, les Etats-Unis ne se sont pas signalés par le passé dans la lutte contre les tyrannies, que les Etats-Unis ont accordé leur soutien et donné des armes à des régimes militaires partout dans le monde-en Indonésie, au El Salvador, au Guatemala au Congo, tous des régimes qui ont commis des crimes envers leurs propres citoyens. Vous savez que les Etats-Unis ont renversé des gouvernements démocratiquement élus au Guatemala en dix-neuf-cinquante-quatre(1954), au Chili en mille-neuf-cent soixante-treize(1973), et installé au pouvoir les régimes de Castillo Armas et de Pinochet, des régimes qui ont semé la mort et la terreur.

    Si vous connaissez l'histoire, vous seriez très sceptique quant aux raisons avancées par le gouvernement américain, parce que vous connaîtriez l'histoire de mensonges et de tromperies officiels. Vous sauriez que ces
mensonges ont caché quelque chose que l'on retrouve dans toutes les interventions militaires, même si les situations étaient différentes, même si les justifications données étaient différentes. Ce qu'on retrouve dans
toutes ces interventions, c'est un désir persistent d'étendre le pouvoir national, d'abord sur le continent nord-américain, puis dans le monde au-delà des mers.

    Cette expansion a commencé immédiatement après la guerre d'indépendance livrée contre l'Angleterre. En mille sept cents soixante-trois(1763), les Anglais ont déclaré que les colons américains ne devaient pas aller au-delà
de la chaîne des Appalaches en territoire indien. Qunad ils ont été battus, les colons ont été libres d'aller dans l'ouest. Il s'en est suivi un siècle d'assujettissement et de déplacements violents de centaines de milliers
d'Indiens des terres où ils vivaient depuis de nombreux siècles. C'est un exemple précoce de ce que nous appelons aujourd'hui "la purification ethnique". La destructions de villages indiens paisibles avait lieu afin que les Américains s'emparent des territoires de l'ouest. Dans les années dix-huit-cent-trente(1830's), par exemple, seize mille Indiens furent forcés de quitter leurs habitations et de partir vers l'ouest, de Géorgie, d'Alabama et du Mississippi, encadrés par l'armée américaine. Quatre mille sont morts en route.

    Le dix-neuvième siècle a été le siècle durant lequel les Etats-Unis ont conquis le territoire qui va de l'Atlantique au Pacifique. Dans les salles de classe, les élèves apprennent cela avec fierté. Cela s'appelle "l'expansion vers l'ouest", comme si c'était un phénomène naturel, presque biologique, pas de sang versé, pas la laideur de la conquête.

    En mille huit cent quarante-six(1846), le gouvernement américain a provoqué une guerre contre le Mexique. Un  ffrontement entre des soldats mexicains et américains avait eu lieu, et plusieurs soldats américains furent tués. L'incident s'était produit à la frontière entre le Texas et le Mexique, un territoire contesté par les deux parties et qui, en fait, était historiquement sous le contrôle des Mexicains et habité par les Mexicains. Mais le Président James Polk déclara au Congrès que "du sang américain a été versé sur de la terre américaine."

    Utilisant le langage qu'on va entendre à de nombreuses reprises au cours d'interventions militaires américaines, il ajouta: "toutes les considérations concernant notre devoir et notre patriotisme nous conduisent à faire valoir avec décision l'honneur, les droits et les intérêts de notre pays."

    La vraie raison de l'invasion n'était pas la mort de soldats américains. Le président avait dit le premier jour de son mandat qu'il voulait passéder la Californie. Et parlant de la Californie, un journal de l'Illinois avait demandé : "Est-ce qu'on va laisser ce jardin de beauté continuer à rester inexploité dans son état de luxuriance inutile?" Cette rhétorique rappelait le langage utilisé lorsque les Américains ont chassé les Indiens de leurs terres : seul l'homme blanc pouvait mettre à profit ce riche continent.

    L'idée que les interventions militaires américaines apporteraient des bienfaits aux populations dont nous envahissions les terres, une idée qu'on entend aujourd'hui, a été exprimée à propos de la guerre contre le Mexique
par un journal new-yorkais: " nous pensons que cela fait partie de notre destin de civiliser ce beau pays."
    La guerre elle-même fut sanglante, mais les Etats-Unis remportèrent une victoire rapide qui priva le Mexique de presque la moitié de son territoire, dont ce qui est aujourd'hui les Etats de Californie, du Névada,de l'Arizona,
du Nouveau Mexique, de l'Utah et une partie du Colorado. Comme c'est ironique qu'aujourd'hui les Mexicains soient empêchés, par un mur d'acier et des gardes armés, d'entrer en Californie, pays qui leur a été pris il y a
cent cinquante ans.

    Cinquante ans plus tard, lorsque le continent eut été conquis de l'Atlantique au Pacifique( un des derniers massacres d'Indiens eut lieu en mille huit cent-quatre-vingt dix(1890) à Wounded Knee, dans le Sud Dakota)
les Etats-Unis se tournèrent vers les pays au-delà des mers.

     En 1898, durant une insurrection des Cubains contre les Espagnols, qui les gouvernaient depuis longtemps, les Etats-Unis envahirent Cuba. Ce fut une guerre de courte durée, trois mois, une guerre victorieuse qu'un
bureaucrate américain qualifia de "splendide petite guerre". Ce fut une guerre pour libérer Cuba du joug espagnol, proclama le gouvernement américain. Les guerres menées par les Etats-Unis sont toujours décrites
comme des guerres de libération.

    En fait, ce qu'on appelle dans les livres d'histoire américaine la "guerre hispano-américaine", mit fin à la présence espagnole à Cuba. Cependant, l'intention n'était pas de libérer les Cubains, mais de mettre
fin à leur rebellion contre l'Espagne. Il y avait la peur que, parce qu'une grande partie de la population cubaine était noire, une victoire des rebelles conduise à la création d'une république noire à Cuba, la seconde
dans l'hémisphère occidental après la victoire de la révolution haitienne(sur la France) au début du dix-neuvième siècle.

    Deux ans avant la guerre, durant la révolte cubaine contre l'Espagne, un jeune Anglais, dont la mère était américaine et le père anglais, avait déclaré dans une revue américaine qu'il vaudrait mieux que l'Espagne reste
au pouvoir à Cuba. Il écrivait: "un grave danger se représente. Deux cinquièmes des insurgés sont des nègres. Ces hommes... exigeraient, en cas de succès, un rôle prédominant dans le gouvernement du pays... après des
années de lutte, cela conduirait à une autre république noire." L'écrivain était Winston Cherchill.

    Une fois l'Espagne évincée de Cuba, les entreprises américaines arrivèrent : les chemins de fer, les banques, la compagnie United Fruit. Une base militaire fut établie et les Etats-Unis insérèrent une clause dans la nouvelle constitution cubaine qui leur donnait le droit d'intervenir à Cuba quand ils le jugeaient nécessaire.

    Après leur victoire à Cuba, les Etats-Unis étendirent leur influence sur un tiers de l'océan pacifique pour s'emparer de Hawaii, qui avait déjà été envahie par les missionnaires et les planteurs d'ananas venus des
Etats-Unis, et qui avait été décrite par des responsables américains comme "une poire mûre, prête à être cueillie".
    Le traité de paix signé avec l'Espagne donna aussi aux Etats-Unis d'autres possessions espagnoles : l'Île de Guam dans le Pacifique, l'ïle de Porto Rico dans les Caraïbes, dont les Etats-Unis s'emparèrent grâce à une
intervention militaire rapide, et les Philippines à l'autre bout du Pacifique. Le Président McKinley déclara que Dieu lui avait dit de prendre les Philippines" pour éduquer les Filippins, les élever, les civiliser et les christianiser". Apparemment les Philippins, des paiens, ne reçurent pas le même message. En 1899, ils se rebellèrent contre la domination américaine, comme ils l'avaient fait à plusieurs reprises contre les Espagnols.

    A la différence de la "spendide petite guerre" de Cuba, la guerre des Philippines fut longue et sanglante, elle dura des années, il y eut de nombreux massacres; par de nombreux côtés, elle était une avant-première de
la guerre du Vietnam. Un chef de bataillon des Marines, accusé d'avoir tué onze Filippins sans défense, déclara que son général lui avait donné l'ordre de tuer et de s'en aller et que ce n'était pas le moment de faire des
prisonniers, et quand il avait demandé au général de lui dire quelle était la limite d'âge pour tuer, le général avait répondu: "quiconque a plus de dix ans".

    Les dirigeants américains parlaient d'une façon à laquelle nous sommes habitués aujourd'hui, en disant que les Etats-Unis avaient une mission spéciale qui consistait à refaire le monde à leur image. Un Sénateur de
l'Etat d'Indiana parla avec franchise en dix neuf-cent(1900), en disant que "juste au-delà des Philippines, se trouvent les marchés de la Chine qu'on nepeut délimiter". Il ajouta aussi : "Nous ne renoncerons pas à notre rôle
dans la mission de notre race, nous à qui est confiée par Dieu la civilisation du monde."

    Il y avait un racisme qui s'exprimait sans vergogne à cette époque, racisme qui est devenu maintenant plus subtil. Le même Sénateur a dit: "On nous a accusés d'avoir mené la guerre avec cruauté...Les Sénateurs doivent
se souvenir que nous n'avons pas affaire à des Américains ou des Européens. Nous avons affaire à des Orientaux."
    L'écrivain Mark Twain commenta ainsi la guerre des Philippines: "nous avons pacifié quelques milliers d'habitants de ces îles et les avons enterrés; détruit leurs dossiers, brûlé leurs villages et expulsé leurs veuves et leurs enfants.. et ainsi par ces marques de la Providence divine -et l'expression est celle du gouvernement, pas la mienne- nous sommes une puissance mondiale."

    La guerre des Philippines est un exemple classique d'une puissance impériale, dotée de la technologie militaire la plus meurtrière, qui fait la guerre à une population indigène dotée des armes les plus primitives. Les Anglais au Soudan, en une bataille, durant la même période, utilisèrent les nouvelles mitrailleuses pour tuer dix-mille Africains, tandis qu'eux perdaient alors moins d'une centaine de soldats. Plus tard, au Vietnam et dans la guerre du Golfe, les Etats-Unis engageraient le combat contre des populations locales une fois de plus avec une supériorité militaire
écrasante. Un témoin anglais de la guerre aux Philippines a dit : "ce n'est pas la guerre, c'est simplement un massacre et une boucherie meurtrière."     Il n'y avait pas de doute que les Etats-Unis considéraient les
Philippines une étape vers la Chine. Au début du vingtième siècle, des troupes américaines furent envoyées à Pékin ainsi que celles d'autres puissances impériales : on utilisa l'euphémisme de la "porte ouverte" pour
s'assurer qu'elle ne serait pas ferméeet nous priverait des marchés de la Chine.

    Comme nous avions alors besoin d'aller rapidement de la côte est vers l'océan pacifique, un canal à travers l'Amérique centrale, à travers un mille neuf-cent-trois(1903), après avoir refusé de verser ce qu'exigeait la
Colombie pour le droit de creuser un canal, les Etats-Unis conspirèrent pour organiser une révolution aux dépens de la Colombie, et créèrent une république indépendante au Panama. Le nouveau gouvernement panaméen accorda immédiatement aux Etats-Unis un droit permanent de contrôler la zone du canal en échange d'un versement de dix millions deux cent cinquante mille dollars par an.

    Les premières années du vingtième siècle virent les interventions militaires répêtées des Etats-Unis dans les Caraïbes. Entre mille neuf cent(1900) et mille-neuf-cent-trente-trois(1933), les forces américaines furent envoyées à Cuba quatre fois, au Nicaragua deux fois, au Panama six fois, au Guatemala une fois, au Honduras sept fois.

    En mille-neuf-cent-seize(1916),Les Etats-Unis envoyèrent des troupes en Haïti et quand les Haïtiens résistèrent, plus de trois mille d'entre eux furent tués, et quatre cents exécutés. Le Général Smedley Butler, qui plus tard dénonça amèrement l'intervention américaine aux Caraïbes comme une entreprise dans l'intérêt de Wall Street, raporta qu'après une bataille dans laquelle deux cents Haîtiens furent tués, sans perte américaine et sans prisonniers, le Secrétaire adjoint de la Marine, Franklin D.Roosevelt, le recommenda auprès du Congrès pour une médaille d'honneur.

    L'occupation militaire d'Haîti dura dix-huit ans. Une autre occupation militaire en République dominicaine à la même époque, dura huit ans. Ces occupations avaient commencé durant la présidence de Woodrow Wilson, connu
dans les manuels d'histoire traditionnels comme un "idéaliste" et un partisan de "l'auto-détermination." Deux ans plus tôt, en mille-neuf-cent-quatorze(1914) Wilson, l'idéaliste, pour venger l'arrestation de plusieurs marins américains, avait bombardé la côte mexicaine et occupé la ville de Vera Cruz.

    A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis étaient devenus la plus grande puissance militaire et économique du monde et commençèrent à pénétrer dans des régions dominées précédemment par les puissances
impériales de l'Europe de l'ouest. Alors que la guerre en Europe approchait de sa fin, le Président Franklin D.Roosevelt rencontra le roi d'Arabie saoudite, Ibn Saud, et fit en sorte que les Etats-Unis deviennent l'acteur
dominant dans la région riche en pétrole du Moyen Orient. En échange, la monarchie saoudienne, qui avait un gouvernement répressif et traitait les femmes brutalement, recevrait des armes et un soutien des Etats-Unis. A la
fin de la Deuxième Guerre mondiale, le multi-millionnaire américain, Henry Luce, propriétaire des revues Time, Life et Fortune, déclara que le vingtième siècle serait "le siècle américain", et que les Etats-Unis seraient en mesure "d'exercer sur le monde tout le poids de notre influence pour les fins que nous considérons appropriées et par les moyens que nous jugeons appropriés."

    Pendant le demi-siècle suivant, les Etats-Unis conbtinueraient d'étendre leur pouvoir sur tous les continents. Leur seul rival serait l'Union soviétique, et les interventions américaines seraient continuellement justifiées par la nécessité d'arrêter l'expansion du communisme. C'était la Russie de Staline, disait-on aux Américains, qui voulait dominer le monde et c'était la tâche des Etats-Unis de l'arrêter.

    C'est exact que l'Union soviétique avait envoyé ses armées en Europe de l'est, en Hongrie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Allemagne de l'est. mais quelqu'un au courant de l'histoire de l'expansion américaine pourrait
indiquer que même avant mille-neuf-cent-dix-sept(1917), avant la révolution bolchévique, les Etats-Unis avaient envoyé leurs forces militaires dans le monde entier. Cela suggérait que la "guerre froide" menée contre le communisme était une excuse cachant une politique américaine continue qui précédait l'existence de l'Union soviétique.

    Mais le prétexte "arrêter le communisme" devint utile pour prouver à l'opinion publique américaine le bien-fondé de guerres et d'interventions constantes, ainsi que l'énorme budget militaire. Quand les troupes nord-coréennes en mille-neuf-cent-cinquante(1950) pénétrèrent en Corée du Sud, les Etats-Unis menèrent une guerre durant trois ans contre la Corée du Nord. Les bobmardements américains, dont l'utilisation du napalm, entraînèrent des pertes civiles énormes. La guerre se termina sans victoire nette pour chaque camp. A la fois au Nord et au Sud, des dictatures restèrent en place. Mais de deux à trois millions de Coréens étaient morts. Pendant ce temps, les Etats-Unis avaient soutenu la tentative de la France de maintenir une colonie en Indochin, en couvrant quatre-vingt pour cent des besoins militaires des Français et en justifiant une fois de plus cette violation patente du droit à l'auto-détermination par la nécessité d'arrêter le communisme. Lors de la défaite des forces françaises en mille neuf-cent-cinquante quatre(1954), les Etats-Unis refusèrent de reconnaître les accords de Genève qui prévoyaient une élection dans un Vietnam unifié qui, de l'avis de tous, aurait conduit à la présidence un communiste, Ho Chi Minh.

    Au lieu de cela, les Etats-Unis installèrent leur propre gouvernement au Sud-vietnam, un gouvernement catholique et autoritaire, et envoyèrent del'aide militaire pour réprimer la rebellion contre ce gouvernement. Le
nombre de soldats américains ne fit qu'augmenter, d'abord sous le Président Kennedy, puis sous Lyndon Johnson.
    Durant l'été de mille-neuf-cent-soixante-quatre(1964), les Etats-Unis prétendirent que leurs destroyers dans le Golfe du Tonkin, en patrouille de routine, avaient été attaqués par des vedettes nord-vietnamiennes. Il fut révélé plus tard que ce qu'avait affirmé l'administration américaine était mensonger, mais cela avait donné au Président Johnson une excuse pour aller devant le Congrès et demander l'autorisation de prendre toute mesure militaire qu'il jugerait nécessaire dans cette partie du monde. Le Congrès accéda immédiatement à cette demande. L'histoire du Congrès montre qu'il avait toujous obéi de façon peureuse à un Président qui lui demandait d'engager une guerre.
    C'est alors que la guerre s'intensifia. En juste trois ans, les Etats-Unis avaient déployé cinq-cent-mille(500 000) hommes au Vietnam. Son armée de l'air bombardait sans arrêt à la fois le Sud et le Nord Vietnam prétendant ne viser que des cibles militaires, mais en fait elle détruisait des villages, des hôpitaux, des écoles en utilisant le napalm, le phosphore, des bombes à fragmentation, en déversant l'agent chimique Orange sur une grande partie de la campagne vitenamienne. A la fin de la guerre, plus de deux millions de Vietnamiens avaient été tués, beaucoup plus étaient mutilés, estropiés. Plus de bombes étaient tombées sur le Vietnam que sur
toute lEurope durant la Deuxième Guerre mondiale.

   Malgré la plus féroce agression de l'histoire humaine, les Etats-Unis furent incapables de vaincre les Vietnamiens. Un accord de paix fut finalement signé à Paris en mille-neuf-cent-soixante-treize(1973). Les
forces américaines  quittèrent le Vietnam, et deux ans plus tard, les troupes nord-vietnamiennes entraient dans Saigon et la guerre se termianit.     Toutefois, les Etats-Unis étaient déterminés à surmonter leur défaite
humiliante, à surmonter ce qu'on appelle le "syndrome du Vietnam", à faire comprendre que les Etats-Unis avaient le pouvoir d'intervenir où ils le voulaient, quand ils le voulaient. Le gouvernement avait tiré une leçon de
la guerre du Vietnam.Il n'enverrait des forcesmilitaires que quand l'autre camp était faible, et seulement là où sa supériorité militaire écrasante lui assurerait une guerre rapide et peu de pertes américaines. Les cinquante
huit-mille combattants morts au Vietnam avaient provoqué trop d'opposition à la guerre.

    Ainsi, sous l'administration de Ronald Reagan, dans les années quatre-vingt(1980s), les Etats-Unis envahirent et occupèrent l'île minuscule de Grenade dans les Caraïbes, prétendant de façon ridicule que l'île représentait un danger pour la société américaine. Ce fut une victoire facile.

    Tirant une autre leçon du Vietnam, le gouvernement américain essaya d'éviter des interventions militaires ouvertes. Au lieu de cela, il s'employa secrètement à renverser des gouvernements considérés hostiles aux
intérêts économiques et politiques des Etats-Unis.

   Il avait acquis une certaine expérience dans ce domaine. En mille-neuf-cent-cinquante-trois(1953), à la suite de la nationalisation des ressources pétrolières par le gouvernement de Mossadeq en Iran, nationalisation qui avait outragé les compagnies pétrolières américaines, la C.I.A. avait organisé un coup d'Etat qui renversa Mossadeq et installa au pouvoir le gouvernement répressif du Shah. en mille-neuf-cent-cinquante-quatre(1954); à la suite de la nationalisation des biens de l'United Fruit au Guatemala, elle avait organisé une invasion armée
qui renversa le gouvernement démocratiquement élu d'Arbenz, et institua la dictature militaire brutale de Castillo Armas.

    Quand le président John F.Kennedy vint au pouvoir, il réagit à l'existence du nouveau gouvernement  évolutionnaire de Fidel Castro à Cuba en approuvant le soutien secret des Etats-Unis à l'invasion de Cuba en
mille-neuf-cent-soixante et un(1961). La tentative échoua et conduisit à l'installation à Cuba de missiles à ogives nucléaires et à la crise des missiles de mille-neuf-cent-soixante-deux(1962) qui fut réglée heureusement
pour le monde par la voie diplomatique.

    En mille-neuf-cent-soixante-treize(1973), une autre intervention secrète, cette fois-ci couronnée de succès, renversa le gouvernement d'Allednde et installa la dictature de Pinochet.

    Dans les années quatre-vingt(1980's), l'administration Reagan prétendit que les Etats-Unis étaient menacés par le désir de l'Union soviétique de contrôler le monde et donna des armes à des dictatures militaires au El Salvador et au Guatemala ainsi qu'aux rebelles au Nicaragua qui essayaient de renverser la révolution sandiniste dans ce pays.

    La désintégration de l'Union soviétique en mille-neuf-cent-quatre-vingt-neuf(1989) devait, selon certains, marquer la fin des interventions militaires américaines maintenant que les Etats-Unis ne pouvaient plus parler de menace communiste. Mais cette année-là, l'administration de George Bush envahit la toute petite république de
l'Amérique centrale de Panama; le prétexte était la nécessité d'arrêter le trafic de drogue et de capturer le dictateur panaméen, Manuel Noriega. La vraie raison était de contrôler le Panama et la zone du canal.
    Noriega fut capturé. Mais des quartiers de la ville de Panama burent bombardés, causant des centaines, peut-être des milliers de morts et détruisant les habitations de dizaines de milliers de personnes. Les
Etats-Unis installèrent leur propre dirigeant au Panama. Le trafic de drogue a continué, mais maintenant les Etats-Unis ont établi leur domination sur la zone du canal.

    L'intervention militaire suivante fut plus ambitieuse: en Irak, en mille-neuf-cent-quatre-vingt onze(1991). la raison donnée fut la prise et l'occupation du Koweit par le gouvernement de Saddam Hussein. Mais une
raison plus plausible, c'était les ressources pétrolières du Koweit et de l'Irak. A nouveau, si on garde le Vietnam à l'esprit, il y eut une démonstration écrasante de la force militaire des Etats-Unis contre une puissance de cinquième ordre, les conséquences étant une guerre de six semaines et peut-être deux cents pertes américaines.
    Elle fut ainsi donc considérée comme une grande victoire et le Président Bush annonça que "le syndome du Vietnam est enterré pour toujours dans les sables de la péninsule arabique." Mais y étaient aussi enterrés les cadavres de dizaines de milliers d'Irakiens, à la fois des civils et des soldats. A la suite de la première guerre du Golfe, l'application de sanctions séères par les Etats-Unis et d'autres pays conduisirent à la mort de centaines de
milliers d'Irakiens, privés de médicaments et d'autres produits vitaux.

   Les attaques terroristes du 11 septembre contre les tours jumelles de New York et le Pentagone conduisirent le Président George Bush, fils, à déclarer "une guerre au terrorisme" et à commencer de bombarder l'Afghanistan. Mais il y avait des raisons de mettre en doute l'intention de Bush de se protéger du terrorisme. Comment pouvait-on faire la guerre à quelque chose d'aussi difficile à atteindre, d'aussi insaisissable que le terrorisme? Si des cellules de terroristes existaient dans une douzaine de pays ou plus, comment, ainsi que l'administration Bush l'affirmait, pouvait le bombardement d'un pays comme l'Afghanistan, avoir un effet significatif
sur le terrorisme?

    Certes, après une année de bombardement, durant laquelle plusieurs milliers de civils afgans ont été tués, beraucoup plus, estropiés, et des centaines de milliers chassés de leurs villages, la peur du terrorisme était encore répandue aux Etats-Unis. Peut-être est-ce une des raisons du déclanchement d'une guerre contre l'Irak en mars deux mille-trois(2003), de façon unilatéralle, sans qu'il y ait provocation et en violation de la Charte des Nations Unies, pour détourner l'attention du public de l'échec de la prétendue "guerre contre le terrorisme". Toutes les raisons données par l'administration Bush pour l'attaque contre l'Irak, ainsi que je viens de l'expliquer , s'effondrent quand on les examine de près. Nous voyons que la prétendue "guerre au terrorisme" conduit à l'établissement de plus de bases militaires en Afghanistan, en Uzbekistan, au Qatar, en Oman, au Koweit, au Pakistan, au Kyrgystan et au Tajikistan. Et nous voyons que la guerre à l'Irak est en train de conduire à une occupation militaire de l'Irak. tout ceci en plus des bases militaires américaines dans une centaine de pays dans le monde. Nous voyons les compagnies pétrolières qui sont déjà en train de négocier avec les exilés irakiens qui vont sans doute être installés au pouvoir dans ce pays.

    En bref, les évènements d'hier et d'aujourd'hui font partie d'une dessein historique clair : ils indiquent que, quelles que soient les justifications des interventions militaires- la destinée manifeste, la propagation de la civilisation, l'endiguement du communisme, la guerre au terrorisme- la vraie raison est ce qui a motivé toutes les puissances impériales depuis le début de l'époque moderne- l'expansion du pouvoir national pour le profit et la gloire. Plus ce sera reconnu, plus de gens aux Etats-Unis et dans d'autres pays agiront pour résister à la guerre , de paix et de justice.