Une histoire qui fait l’Histoire : la mort de maurice halbwachs

 à Buchenwald

 

par Christian de Montlibert

 

Pour comprendre la fin tragique de Maurice Halbwachs - une mort de sous alimentation et d’épuisement -, il y a 60 ans à la mi mars 1945, au camp de Buchenwald, il est indispensable de confronter les intérêts et les manières de travailler de ce savant aux représentations, croyances, idées sur le monde de ceux qui le condamnèrent.

Pour ce faire il faut d’abord revenir sur les conditions sociales de la formation de ses manières de penser, de voir et de faire. Maurice Halbwachs est né en 1877 dans une famille d’intellectuels. Son père était un professeur d’allemand réputé qui donnera à son fils une connaissance approfondie de la langue et de la culture allemande. Cette famille est d’orientation radicale socialiste, elle est aussi admirative des travaux des ingénieurs et savants : Claude Bernard, Marcellin Berthelot, Pasteur sont des noms vénérés comme sont admirés les noms de Charles Tellier qui, en 1867, a inventé une machine à faire du froid ou du papetier Bergès qui a aménagé dans le Dauphiné une usine hydro électrique. C’est une époque qui voit apparaître des machines muées à l’électricité - Guillaume Apollinaire compose des poèmes à l’électricité - de nouvelles industries (la pharmacie, les colorants, les engrais) se développent ; le nickel commence a être utilisé et permet de fabriquer des aciers plus résistants ; le pétrole suscite un intérêt croissant ; les transports accroissent leur vitesse...[1] C’est dans ce contexte que la famille Halbwachs transmet à son fils un attachement pour la rigueur intellectuelle, une adhésion aux rudiments de la philosophie rationaliste de la connaissance héritée des Lumières et du positivisme[2], et un intérêt soutenu pour le monde social.

 

L’école ne fera que renforcer ces apprentissages. 1876 - un an avant la naissance de Maurice Halbwachs, a vu la victoire électorale des Républicains. La menace d’une restauration monarchique et la concurrence de l’enseignement catholique obligent vite les nouveaux élus à bâtir un projet de transformation de l’enseignement. Jules Ferry dont les bibles étaient Condorcet, Auguste Comte et Stuart Mill va s’en charger. Pour lui la transformation de l’enseignement et de l’éducation permettront de « régénérer l’Humanité » puisque philosophie positive, politique positive et religion de l’Humanité contribuent à former la conscience sociale.[3] Pour ce faire, la IIIème  République entreprend de transformer le réseau d’écoles, de lycées et d’universités, hérité de l’époque napoléonienne et du second Empire, en investissant des sommes considérables : le budget total de l’instruction est en constante augmentation passant de 37 millions en 1875 à 133 millions en 1885, 197 millions en 1895, 230 millions en 1905 soit une multiplication par 6 en 40 ans. Le jeune Halbwachs bénéficie de ces investissements considérables qui permettent un encadrement de qualité (13.6 élèves par enseignant en 1886). Dans ces conditions, la reproduction sociale des familles d’intellectuels se fait au mieux. Le jeune Maurice Halbwachs qui habite maintenant Paris, près du Jardin du Luxembourg, fréquente le Lycée Henri IV et y réussit aisément. Il est vrai qu’à cette époque 36 % des élèves de ces établissements étaient des fils de professeurs (largement sur représentés par rapport à la population parisienne). De cette enfance et adolescence Maurice Halbwachs intériorise,comme nombre de ses condisciples , des schèmes de pensée qui le conduisent à s’intéresser à la philosophie, au droit, à la science, aux mathématiques et à l’utilité sociale du savoir dont il débat avec ses condisciples.

 Il intègre bientôt l’Ecole Normale Supérieure, se lie d’amitié avec François Simiand, Albert Bourgin, Levy-Brulh. Il appartient à ce petit groupe de jeunes normaliens que Lucien Herr va entraîner dans la bataille pour Dreyfus et dans la découverte du socialisme. En 1898,  le socialiste Alexandre Millerand est président du Conseil et coopère avec la bourgeoisie centriste, Jules Guesde est relégué dans l’ombre, Jean Jaurès s’efforce de rassembler courants, tendances et partis socialistes pour s’allier aux radicaux[4]. S’ il n’y a pas d’accord entre tous ceux qui parlent du socialisme – Edouard Vaillant, Jean Allemane, Paul Brousse, Jules Guesde se disputent sur la stratégie, les différences doctrinales, les propriétés des représentants, la définition même du socialisme – le socialisme n’en suscite pas moins des débats et des prises de position qui passionnent les étudiants : les revues savantes publient de plus en plus souvent des articles sur le socialisme et la question sociale. Durkheim prononce son cours sur le socialiste en 1895-1896. Mauss donne des conférences sur l’action socialiste et intervient en 1900 au congrès des coopératives socialistes[5]. Dans ce contexte Maurice Halbwachs participe à la rédaction des notes critiques de science sociale et avec Jean Perrin, Hubert Bourgin, Henri Levy Brulh et François Simiand fonde le groupe « unité socialiste ». Tous sont parti prenante dans l’affaire Dreyfus. Maurice Halbwachs rejoint vite, derrière Lucien Herr, le camp de Zola qui, le 13 janvier 1898, a publié dans l’Aurore sa lettre au Président de la République, de Bernard Lazare qui inlassablement publie brochure sur brochure en faveur de Dreyfus et ose écrire que le capitaine Dreyfus appartient « à une classe de parias », de Scheurer Kestner, industriel, sénateur, protestant, défenseur des Alsaciens immigrés à Paris après 1870 (comme l’est la famille Halbwachs) qui pour beaucoup rallieront la cause de Dreyfus, et encore de Durkheim, de Péguy, de l’historien Albert Mathiez… En 1898, les meetings et manifestations des deux camps sont nombreux. La majorité du quartier Latin est à droite et l’on conspue les cours des professeurs dreyfusards. Comme le rapporte Madeleine Reberioux[6], la réplique ne tardait pas : « une voix criait, Durkheim est attaqué, Seignobos est envahi ! Rassemblement ! répondait Péguy… Tous sautaient sur leur canne et avec lui filaient à la Sorbonne ». Les étudiants dreyfusards chantaient l’internationale et le « ça ira », les antidreyfusards entonnaient des hymnes nationalistes. Bientôt André Gide, Mallarmé, Saint Pol Roux, Marcel Proust, Apollinaire, Bonnard Picasso, Signac…, Anatole France, Paul Langevin, Jean Perrin… rejoignent les rangs des Dreyfusards. Maurice Halbwachs découvre la réalité de l’antisémitisme dont Edouard Drumont dans « La France juive »  a donné le corpus en réunissant le vieil antijudaïsme chrétien, l’antisémitisme socioéconomique et une judéophobie qui s’appuie, depuis Vacher de Lapouge,  sur les travaux d’anthropologie physique pour classer et hiérarchiser les races selon leurs caractéristiques morphologiques. Maurice Halbwachs dès cette époque partage la conviction de Durkheim qui dans son cours d’introduction à la sociologie de la famille de 1888 a déclaré « les mots de supérieur et d’inférieur n’ont scientifiquement pas de sens. Pour la science, les êtres ne sont pas les uns au dessus des autres. Ils sont seulement différents, parce que leur  milieu diffère. Il n’y a pas une manière d’être et de vivre qui soit la meilleure pour tous, à l’exclusion de tout autre, et par conséquent il n’est pas possible de les classer hiérarchiquement suivant qu’ils s’éloignent ou  se rapprochent de cet idéal unique »[7]. Halbwachs a bien compris, avec Mauss, que tout est « arbitraire » dans le monde social.

Dans ces conditions Maurice Halbwachs décide d’abandonner les études philosophiques et envisage une carrière de chercheur en sciences sociales. Pour le comprendre il faut savoir que la IIIème République a aussi entrepris de moderniser l’enseignement supérieur[8]. Pour répondre à l’avancée des établissements catholiques d’enseignement supérieur dont l’objectif politique était de former une élite capable de lutter à armes intellectuelles égales pour l’obtention des postes les plus élevés avec les élèves des lycées, une élite hostile à la république et surtout à même de préparer une restauration monarchique, l’Assemblée Nationale a voté une loi qui favorise l’enseignement supérieur en créant des universités avec une autonomie de gestion, en permettant aux facultés d’élire leur doyen, en multipliant les postes d’enseignant, en modifiant radicalement les critères d’accession à l’enseignement supérieur par une valorisation du travail scientifique. Cette reforme organisée par Gréart et Louis Liard (soutenus par le groupe très actif de La société d’enseignement supérieur) permet l’apparition, au sein du « paradigme lettré » de l’Université traditionnelle, des nouvelles disciplines dont les sciences sociales. Il s’agit surtout de répondre à la création de l’Ecole libre des sciences Politiques qui allie des enseignements consacrés au libéralisme et des cours inspirés par une volonté de réforme sociale fortement imprégnée de la doctrine de l’Eglise. Durkheim est d’ailleurs pressé de répondre à cet enseignement (son cours « Education et sociologie «  est largement construit en opposition à celui de Henri Charles de Gaulle, le père du général ,qui traite de l’histoire des doctrines pédagogiques). Cette réforme a des effets considérables et transforme le modèle qui voulait que les normaliens fussent professeurs de Lycée en un modèle ou l’accès au supérieur devient normal au titre des voies professionnelles les plus probables. Elle autorise aussi des thématiques, des méthodes totalement nouvelles en transformant les critères d’excellence[9]. Enfin,  elle permet l’élaboration d’une conception du rôle social et politique des universitaires qui autorise Durkheim à déclarer que la sociologie ne vaudrait pas une heure de peine si elle n’avait une utilité sociale.

Le jeune Halbwachs en prend quelque peu à son aise avec la carrière institutionnalisée [10]: il suit les cours de Durkheim, se passionne pour les questions sociales et l’économie politique. Après une année d’enseignement à Constantine puis à Montpellier il obtient un poste de lecteur à Gottingen, travaille sur des manuscrits de Leibnitz et passe la plus grande partie de son temps à discuter d’économie politique et du conflit qui oppose Bebel encore partisan d’une rupture révolutionnaire avec le capitalisme et Bernstein partisan d’aménagements successifs. De retour à Paris il s’inscrit en thèse de droit, demande un rendez-vous à Durkheim et commence à travailler pour l’Année sociologique. Il mène ses travaux sur l’expropriation et le prix des terrains à Paris (1880-1900) dans lesquels il montre que la loi de l’offre et de la demande est inopérante pour expliquer la spéculation. Ce  travail lui vaut d’être reçu par Jaurès (le parti socialiste éditera à partir du texte d’Halbwachs une petite brochure contre la spéculation).  Halbwachs enseigne ensuite dans un lycée de Reims puis en 1909 retourne en Allemagne où il étudie l’économie politique et le marxisme qu’il découvre dans les travaux de Kautsky qui s’oppose à son tour Bernstein. Il est alors expulsé de Prusse pour avoir publié dans l’Humanité, où Mauss tient une rubrique, un article sur la répression policière d’une grève ouvrière. Entre 1909 et 1914, il publie de nombreux articles sur la psychologie de l’ouvrier moderne, la ville capitaliste, la position sociologique des classes et sa thèse la classe ouvrière et les niveaux de vie. Novateur en sociologie il s’intéresse aux classes sociales, à la stratification, et surtout aux modes de vie ouvriers en se basant sur des observations directes. Il conduit une véritable enquête ethnographique sur l’existence quotidienne des ouvriers des faubourgs parisiens. On comprend que cela choque la Sorbonne traditionaliste et qu’il ait fallu la mobilisation de tous les durkheimiens pour lui permettre de soutenir son doctorat.

 

 

En espérant devenir professeur de sociologie et en pratiquant une sociologie très marquée par l’économie politique et le travail de terrain Maurice Halbwachs  n’a pas choisi la facilité[11]. Il faut savoir que les sociologues ont à l’époque, un âge de soutenance du doctorat, d’accès au poste de Maître de Conférences, d’accès à un poste de professeur systématiquement plus élevé que dans les autres disciplines (près de 8 ans après les autres et souvent dans un statut universitaire provincial)[12]. Si certains peuvent se placer dans un institut d’érudition parisien (Mauss à l’école des Hautes Etudes) c’est dans une institution marginale qui, à l’époque, n’offre pas de carrière. De plus les sciences sociales sont mal dotées : il n’y a ni laboratoire ni bibliothèque spécialisée. Pire entre 1920 et 1950 le nombre d’enseignements des sciences sociales stagne (alors que la psychologie quadruple). Néanmoins Maurice Halbwachs  persévère. Il est comme l’a dit Lucien Febvre, « toujours possédé par quelque nouvelle passion intellectuelle qu’il nous exposait avec cette sorte d’enthousiasme sans fracas qui était précisément sa marque ». Les risques, Maurice Halbwachs  les accepte tranquillement. Sachant ce qu’il en était de l’antisémitisme le plus virulent n’a-t-il pas épousé, en 1913, Yvonne Basch, la fille d’un professeur de philosophie, intellectuel juif très respecté, futur président de la ligue des droits de l’homme.

 

En 1914, trop myope pour être envoyé au front, il rejoint Albert Thomas, le socialiste, ancien comme lui de Normale Supérieure, devenu un homme politique de premier plan et nommé ministre de l’armement du ministère de « l’Union Sacrée » (après l’assassinat de Jean Jaurès). Durant les trois années du ministère Thomas,  Maurice Halbwachs  travaille avec ses anciens condisciples que le ministre réunit autour de lui. Thomas, dès 1910, est devenu partisan des nationalisations. Il introduisit dans toutes les usines d’Etat un système de commissions d’arbitrage mixtes et de délégués d’atelier[13] il soutenait que les travailleurs devaient avoir leur mot à dire dans l’organisation de la production, la fixation des taux de rémunération, la détermination des conditions de travail ce qui ne pouvait que satisfaire  Maurice Halbwachs qui, en bon durkheimien, savait bien que la « guerre des classes » était crée par l’anomie dans laquelle l’absence de droits, le montant des salaires, la violence des conditions de travail et le morcellement des actes de travail jouaient un rôle déterminant. N’est ce pas lui qui dira des ouvriers « que dans la mesure où ils entrent en contact avec les choses, ces hommes sont contraints d’oublier leurs semblables » ainsi deviennent-ils « une masse mécanique et inerte »[14]. A Roanne, Albert Thomas et son équipe, dans la nouvelle usine d’armement crée par l’Etat, s’efforceront même de faire participer les travailleurs à la gestion. Bien que les positions de Thomas, en fin de compte, aient été très mesurées et même ambiguës (n’a t-il pas contribué à la mise en place du taylorisme dont Maurice Halbwachs critiquera les effets, anticipant ainsi  les analyses de Georges Friedmann) on comprend au vu de ses initiatives en faveur des ouvriers que cette équipe ait été affublée de l’étiquette de «  bolchevique ».

Maurice Halbwachs  avait d’ailleurs déjà été critiqué pour ses positions jugées trop socialistes par Lapie et Bouglé qui avaient fait pression sur Durkheim pour qu’il supprime la rubrique de sociologie économique dans l’Année sociologique ce qu’il avait refusé. En 1917, Thomas quitte le ministère de l’armement. Durant cette année, Maurice Halbwachs a sans doute beaucoup discuté de la situation avec sa sœur Suzanne militante du pacifisme et de l’internationalisme, comme nombre d’enseignantes,  et avec son beau père qui était partisan d’une paix avec l’Allemagne et qui, un peu plus tard, critiquera fermement le traité de Versailles au nom de ses effets négatifs pour l’Allemagne.

Après la guerre Maurice Halbwachs  est nommé professeur à Strasbourg ; il y reste jusqu’en 1935 date de sa nomination à la Sorbonne. Cette période est une des plus féconde de sa vie. Il contribue à la diffusion en France de la sociologie de Max Weber en publiant un article important, en 1925, sur « les origines puritaines du capitalisme » dans la Revue d’histoire et de philosophie religieuse, il multiplie dans la tradition de l’Année Sociologique les compte rendus d’ouvrages[15] ; il mène des études originales, je pense en particulier à tout ce qui dans « les cadres sociaux de la mémoire »[16] traite de la légitimation des hiérarchies sociales annonçant par bien des points le travail de Bourdieu sur le capital symbolique, mais aussi à la psychologie collective du raisonnement[17]t, étude dans laquelle Halbwachs, allant bien plus loin que l’article de Mauss et de Durkheim sur les classifications primitives, présente les modes de raisonnement comme produit de groupes particuliers, affirmant que la production de connaissances dépend aussi des structurations sociales de la communauté scientifique, jetant, en quelque sorte, les bases d’une sociologie de la science.

Là encore on ne comprendrait pas la créativité de cette période si l’on n’y voyait des effets propres à l’université de Strasbourg. Pour se maintenir à la hauteur et même dépasser les investissements allemands, l’Etat français dote l’Université de Strasbourg de moyens assez considérables. Elle devient la seconde université française. Elle est le lieu de rencontre de Lucien Febvre, de Marc Bloch, de Charles Blondel, de Georges Lefebvre et bien d’autres. Strasbourg est devenu le foyer du renouveau et du rayonnement des sciences sociales et humaines. Mais on ne comprendrait pas plus la créativité de Maurice Halbwachs si l’on oubliait ses convictions socialistes (Maurice Halbwachs a toujours sa carte du parti) qui le portent à rédiger de nombreux rapports pour le Bureau International du travail, à s’intéresser au problème des migrations (ce qui le conduira à Chicago où il séjournera), à publier de nombreuses notes sur l’Union Soviétique dans les Annales d’histoire (sur Lénine et sur Staline entre autres). Sa connaissance de l’allemand lui permet de partager, jusqu’en 1930, les activités du centre d’Etudes Germaniques : il donne des conférences à Mayence, se montre actif aux rencontres franco allemande de Davos de 1928 à 1931, et développe une critique très vive des orientations de la sociologie en Allemagne (en dehors de Weber qu’il apprécie), qui se transforme en rupture après le ralliement de nombre de sociologues aux thèses nazies.

Halbwachs, en effet, a lu les sociologues allemands. Il a publié de nombreuses recensions de leurs livres. Il s’est attaché a Sombart et découvre avec  que cet auteur développe de plus en plus des prises de positions qu’il ne peut accepter. Sombart s’en prend à la sociologie occidentale et critique avec haine la sociologie française (sous entendue durkheimienne)[18] à qui il reproche son naturalisme, sa recherche de lois mécanistes, son souci de mathématisation et de quantification (Heidegger qui prononce son discours avec le brassard nazi s’en prendra aussi avec rage à la quantification et à la « moyennisation »)[19]. Cette sociologue française,dépréciée pour son  rationalisme, est bien sur incapable d’accéder à « l’essence » des phénomènes et s’oppose en tout à un humanisme allemand glorifié. Les sociologues, dont Sombart, applaudissent l’arrivée au pouvoir des nazis, ils y voient une chance pour la sociologie grâce aux notions de « communauté » et « de peuple », grâce aussi aux nombreux instituts, que créent les nazis. Maurice Halbwachs a vite compris que cette sociologie se définit par simple inversion des propriétés de ses adversaires : francophiles, juifs, progressistes, démocrates, rationalistes, socialistes, cosmopolites,… » ; la sociologie allemande ne sera pas tout cela mais strictement son contraire comme le dit Franz Böhm un des sociologues partisans de la « sociologie allemande »[20]. Cette théorie de « la communauté du peuple allemand » prend partie contre « la désintégration » de la culture européenne c'est-à-dire contre  la laïcisation, l’urbanisation, le développement d’une conception technologique de la connaissance, l’individualisme et la disparition de la « communauté  traditionnelle »[21].

 

Maurice Halbwachs sait bien qu’elle s’inspire de nombreux auteurs dont Spengler qui dans le « Déclin de l’occident » a dénoncé « les théories plébéiennes du rationalisme, du libéralisme et du socialisme », exalté les « catégories naturelles » qui distinguent « le fort du faible », affirmé l’existence « d’un ordre hiérarchique naturel ». Pour lui le retour au droit naturel se fond dans l’idéalisation d’un retour à la nature identifié aux relations patriarcales du monde paysan. Ces thèses , il les retrouve, déformées par l’outrance certes, mais bien présentes dans les proclamations d’Hitler. Halbwachs a écouté ces discours et sait combien cette pensée contient non seulement de négation de la raison et de la science, de valorisation de l’irrationnel, d’idéalisation d’un passé  mythifié,mais aussi de haine à l’encontre de la démocratie, des syndicats ouvriers, du capitalisme industriel et plus généralement de la civilisation moderne. Lui qui a écrit sur les « migrations » ne peut accepter la mystique du sang et du sol ; en sociologue au fait des travaux de Weber, il ne peut accepter de considérer «  le peuple allemand uni derrière des chefs nazis » comme « une communauté de foi et de combat unie en esprit et en volonté ».

On conçoit qu’il soit indigné des déclarations contre le marxisme, contre les communistes, contre les juifs transformés en « parasites qui se nourrissent du corps d’autres peuples », contre « le judéo bolchevisme » qui s’est emparé de la Russie, contre le prolétariat urbain. Il devine les dangers cachés dans cette volonté de conquête d’un « espace vital » à l’Est. Il pressent les crimes en puissance lorsqu’il lit que Hitler a déclaré qu’un « gouvernement conscient aurait exposé à l’action des gaz toxiques quelques 10 ou 15 000 de ces hébreux corrupteurs du peuple, ces gaz que des centaines de milliers de travailleurs, bons allemands, avaient  du respirer sur le champ de bataille »[22]. Conscient de la situation  Maurice Halbwachs prend position. Dès 1933 il publie un court texte sur la « population juive en Allemagne » ; en 1937, 3 pages toujours dans les Annales d’Histoire consacrées aux « finances du national socialisme » ; en 1939, un texte sur « les politiques de l’hygiène et l’Etat totalitaire ».

Il est vrai que Maurice Halbwachs retrouve ces thématiques en France dans nombre d’ouvrages,d’articles, de déclarations, toutes hostiles à la sociologie qu’il a entrepris de mener et d’enseigner. Ses adversaires expriment de plus en plus ouvertement des jugements racistes et antisémites. Maurice Halbwachs s’indique lorsqu’il lit, en 1932, l’ouvrage de G. Mauco « les étrangers en France : leur rôle dans l’activité économique » (Mauco sera conseiller en démographie à Vichy) qui affirme qu’il y a danger « à ce que des éléments physiquement inférieurs ou trop différents ethniquement abâtardissent la race » et ajoute «  non moins pernicieuse est la déliquescence morale de certains levantins, arméniens, grecs, juifs et autres métèques négociants ou trafiquants ». Il partage en cela les positions de Lucien Febvre qui, en 1936, critiquait fermement la notion de race, dénonçant « ce mythe romantique d’une histoire raciale » y voyant « une opinion dangereuse ». « C’est la haine qui l’a engendrée et elle engendre la haine » ajoutait-il pour conclure : « purifier la race, accélérer ou ralentir la cadence des naissances, le rythme des naissances. Mais où prennent-ils la Race, où prennent-ils l’Espèce, ces meneurs de jeu à l’ignorance encyclopédique »[23]. Tous les travaux démographiques de Maurice Halbwachs montrent qu’il a toujours, comme son ami L. Febvre, critiqué le biologisme et toutes les notions qui lui étaient liées (optimisme, équilibre, bien être, régularités naturelles, dégénérescence, régénération, instinct génésique…). Faut-il ajouter que sa critique ne prend pas la forme d’une dénonciation mais porte immédiatement sur les concepts et les méthodes ; c’est une critique d’intellectuel qui porte sur l’essentiel : les opérations cognitives qui s’efforcent de légitimer le naturalisme  biologisant !

 

De nouveau à Paris en 1936 (Halbwachs n’avait pas apprécié que Strasbourg devienne la plaque tournante de la distribution en France de la littérature antisémite allemande)[24] il suit avec passion les événements du Front Populaire. Il avait beaucoup de considération pour Léon Blum qu’il admirait d’afficher sa judéité dans le climat politique tendu à l’époque. On peut penser que les discussions se poursuivaient avec son épouse qui, quelque temps plus tard, soutiendra les républicains espagnols en guerre contre les troupes de Franco puis militera pour l’accueil des réfugiés, avec son beau père Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l’Homme, qui critique la situation faite aux étrangers et aux juifs dans une lettre ouverte au Président du Conseil dénonce « les expulsions et refoulements à la frontière »[25]. Il est vrai que depuis 1932 la situation des étrangers en France empire. Halbwachs - après ce qu’il avait écrit sur les migrations - (anticipant là encore les travaux majeurs d’Abdelmalek Sayad) – ne pouvait accepter la loi du Cabinet Herriot qui limitait la proportion d’étrangers dans certains secteurs de l’activité professionnelle (ainsi un orchestre de balalaïkas, comme l’a raconté Nina Berberova, ne pouvait pas employer plus de 15 % de musiciens russes), les mesures prises par le Cabinet Flandin en 1934 qui autorisaient l’expulsion par la force des étrangers sans papiers (dans les 4 premiers mois de 1935, 3000 furent expulsés), la politique du  gouvernement Laval, en 1936 qui prévoit des peines d’emprisonnement pour les étrangers sans papiers qui refusaient de quitter la France et devenaient clandestins. Le Front populaire fut une accalmie mais Maurice Halbwachs retrouva sa colère, en mai 1938, lorsque le gouvernement Daladier promulgua un décret qui interdisait l’entrée des étrangers, renforçait les contrôles et facilitait les expulsions ; mieux, dans l’article 11, le Ministre de l’intérieur était autorisé à assigner à résidence les étrangers inexpulsables et à instaurer un système de fiches  pour répertorier les étrangers.

 

Parmi ceux-ci les juifs, chassés d’Allemagne et d’Europe centrale par la politique nazie et les politiques antisémites des gouvernements locaux, étaient de plus en plus nombreux. La répression contre les étrangers devenait de plus en plus anti juive. En 1938 Rossi, le député de Colmar proposa un numerus clausus à appliquer aux juifs et le justifia « pour empêcher que l’antisémitisme déjà extrêmement fort en Alsace ne prenne des proportions tellement puissantes qu’il imposera contre les Israélites des excès »[26]. Les attaques ad hominem contre Léon Blum devenaient sordides… Stanislas Fumet, représentant en vue du catholicisme libéral en venait à déclarer « que les nations sont fondées à se défendre d’un pourcentage excessif d’israélites dans les postes élevés d’un pays » en particulier « quand Léon Blum fait appel pour constituer son ministère à une participation disproportionnées de l’élément juif »[27].

 

Ainsi progressivement antisémitisme, antibolchévisme et antisociologisme se relient et fondent une politique de haine de la sociologie que le gouvernement de Vichy institutionnalisera. Halbwachs avait en effet bien des raisons de s’inquiéter : c’est sa manière même de faire de la sociologie qui, maintenant, est mise en cause. On sait que les représentants des mouvements conservateurs s’en prennent à la sociologie depuis la fin du XIX ème siècle. Défenseurs d’une « bonne éducation », partisans de l’enseignement libre, continuateurs du paternalisme moralisateur de Le Play, experts en biologisation du social et défenseurs des « dons naturels », adeptes d’une « sacralisation du latin » contre « l’esprit primaire », tous se sont alliés pour attaquer la sociologie durkheimienne à qui ils reprochent d’avoir sapé les fondements de l’ordre moral en insistant sur le caractère arbitraire et historique des formes sociales et des institutions[28]. Regroupés au sein du cercle Fustel de Coulanges présidé par Henri Massis qui, avec Alfred de Tarde, sous le pseudonyme d’Agathon, s’en est déjà pris, en 1913, à la sociologie de Durkheim[29], ils veulent reconstruire un « ordre des mœurs » et remettent en cause l’école unique, la philosophie primaire et la démocratie (« la démocratie voilà l’ennemi » était leur slogan). Ils veulent éliminer une sociologie qui s’en prend à la religion, à la hiérarchie familiale « naturelle » et à la prééminence de la famille sur l’Ecole[30]. Ils ne supportent pas que la sociologie mettent en cause « l’éternité et l’essence de la famille et de la religion ». A leur coté se trouvent les membres de l’Action Française qui trouvent Durkheim trop féministe et ne supportent pas qu’il ait pu critiquer l’imposition d’un ordre masculin. La question scolaire féminine est devenue un enjeu considérable avec les réformes de l’enseignement favorable aux filles que Jean Zay a initiées, auxquelles Maurice Halbwachs a applaudi. Comment pourrait-il admettre que Abel Bonnard, qui sera ministre de l’éducation de Pétain, puisse proclamer « la philosophie (de Durkheim) école de l’esprit critique n’a épargné ni la religion, ni la famille, ni la patrie, ni l’autorité… Les jeunes agrégées de nos collèges féminins apportent une ardeur presque sadique à ce travail de destruction. Elles commentent Gide, Marcel Proust, les romans les plus audacieux, elle donnent des avis troublants sur le freudisme, la sexualité, l’union libre »[31] et que l’inspecteur Hanry ajoute qu’il faille «  remettre au pas les sociologues, les juifs (mais la sociologie n’est elle pas une philosophie facile qui enchante les Israélites…) les femmes et les primaires ». En somme ce que Maurice Halbwachs entend de plus en plus fortement c’est que la connaissance rationnelle du monde social ne doit pas exister ou doit se limiter à un savoir d’expert qui n’a pas à poser de questions et doit aider les « réformes » pour mieux perpétuer les formes « traditionnelles » des dominations. Pire ne répète t’on pas depuis 1912 (le livre de Lasserre en faveur des humanistes classiques) que la sociologie « ne semblera t’elle pas… comment dire… un peu kasher ? ». Construite autour « du dieu des nègres », pour des lecteurs « hystériques » (mais les juifs et les femmes n’ont-ils pas une vulnérabilité aux maladies mentales)[32] on comprend que Lucien Rebatet, le rédacteur en chef de Je suis partout, journal de l’extrême droite antisémite, ait pu, en 1939, avant la défaite militaire française, recommander l’autodafé de livres de sociologie dont ceux de Durkheim,  Levy Bruhl et de leurs disciples, ce que, d’une certaine façon, en 1943, la police anti juive de Darquier de Pellepoix réalisera en explorant toutes les librairies pour interdire à la vente les ouvrages des auteurs juifs. Il est vrai que les éditeurs dès 1941 ont pris les devants et ont retiré ces livres de leur catalogue[33].

 

Halbwachs sait bien qu’en Allemagne la situation empire d’année en année. Il a vu avec inquiétude, dès février 1933, la chasse au Gesamtmarxismus incarné par les communistes, dès Avril, les premières mesures contre les juifs. Il est atterré d’apprendre que le 10 mai les nazis ont brûlé les livres des judéo-bolchéviques. En 1935 retrouvant sa colère contre les élucubrations de socio-biologie qu’il a tant combattues dans ses études démographiques, il apprend la promulgation des lois de Nuremberg qui accordent la « préférence nationale » aux citoyens de sang allemand et veulent protéger la race aryenne en interdisant les mariages et les relations sexuelles entre juif et non juif. Il s’agit d’éviter « la contamination raciale » au nom de la « protection du sang et de l’honneur allemand ». En janvier 1938, il découvre, horrifié, « la nuit de cristal » au cours de laquelle, d’après les rapports officiels, 191 synagogues furent incendiées et 76 totalement détruites, 11 centres communautaires et chapelles de cimetière rendus inutilisables,  815 boutiques , 171 maisons, 29 grands magasins, 75000 commerces pillés  et au moins 36 personnes tuées et 40 grièvement blessées[34].

 

La défaite de 1940, malgré la défense héroïque des soldats, la prise du pouvoir par Pétain, les premières mesures contre les juifs et les apatrides le 22 juillet 1940, 12 jours seulement après que le maréchal ait été  investi de tous les pouvoirs, la préférence nationale mise en place le 17 juillet, la suppression de la loi Marchandeau qui interdisait les attaques antisémites dans la presse et à la radio, la loi du 4 octobre 1940 portant sur les ressortissants étrangers de race juive et autorisant à les assigner en résidence et à les enfermer dans des camps spéciaux, ne pouvaient que révolter un peu plus Maurice Halbwachs. D’autant que les notions si confuses qu’il avait tant critiqué devenaient maintenant des critères officiels bénéficiant de l’autorité de l’Etat. La pseudo sociobiologie d’Alexis Carrel est en effet promue science de l’Etat. Alexis Carrel qui a  écrit sur la dégénérescence y voyant une menace pour des « meilleurs éléments de la race », qui affirme que les femmes doivent être soumises « aux lois naturelles » et donc « faire des enfants et les élever », qui s’interroge sur la nécessité de « conserver les êtres inutiles et nuisibles, les déficients, anormaux criminels » et propose de « conditionner par le fouet les moins dangereux » et de créer un « établissement euthanasique pourvu de gaz approprié pour les autres » devient Régent de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains[35]. Cette fondation avait été créée au départ pour étendre aux « problèmes de l’homme » les modèles rationalisateurs proposés par les différents experts. Carrel y avait déjà dénoncé la sociologie : « rien ne relève des situations sociales » écrivait-il pour affirmer aussitôt que « tout est pouvoir sur soi même »[36]. La rééducation morale qu’il attendait, comme toutes les forces concentrées à Vichy, ne pouvait être que régénération biologique. Au sein de la Fondation est vite crée (sur le modèle de l’ institut nazi )  un département de Biologie de la population qui veut traiter de l’immigration pour déterminer « quels sont les immigrants dont la présence peut être jugée désirable » et faire le tri entre les « souches saines et les autres ». Cette Fondation soutient sans réserve les travaux de George Montandon Directeur de l’Institut d’études sur les questions juives et éthnoraciales, qui publie dans l’Ethnie Française des articles racistes haineux à l’encontre de la sociologie durkheimienne ; elle soutient aussi René Martial, fondateur d’un cours d’Anthropologie de la race à la Faculté de Médecine de Paris, nommé membre directeur de l’Institut d’anthroposociologie fondé par Darquier de Pellepoix, qui affirme que la France est devenue, avec l’immigration juive, « un dépotoir humain ». Martial et Darquier  diffusent leurs thèses à la radio, tous les lundi et vendredi, à l’heure du déjeuner[37].

 

La mise à l’écart de l’Université des collègues israélites révolte Maurice Halbwachs comme les pratiques et déclarations collaborationnistes de certains de ses collègues. Ses lettres et ses interventions dans les instances universitaires n’ont pas empêché  la création par Abel Bonnard d’une chaire d’Histoire du Judaïsme confiée à un antisémite notoire mais ont peut être freiné la mise en place d’une chaire d’études raciales. Que les syndicats soient supprimés, que soit mise en place la levée d’un tribut sur l’économie, que de nombreux industriels et banquiers espèrent profiter de la collaboration pour s’allier au capitalisme allemand et s’approprier les biens juifs[38], qu’en 1942 Sauckel qui dirige l’économie esclavagiste du IIIème Reich prélève dans tous les territoires occupés des masses d’hommes contraints à travailler comme forçats pour l’économie de guerre nazie,que les rafles de juifs soient de plus en plus fréquentes , Maurice Halbwachs ne peut pas  l’accepter. Mais c’est maintenant sa famille qui est visée : l’assassinat abominable de son beau père Victor Basch(qui a fait parti du premier Comité directeur du Front national de Libération ) et de sa belle mère par les bandes de Touvier l’amène à réclamer une enquête officielle[39]. Le soutien qu’il apporte à ses fils engagés dans des réseaux de résistance le rend suspect. Dès lors, tout se précipite. Il est arrêté le 23 juillet 1944 sous l’inculpation d’avoir donné asile et protection à son fils Pierre qui a été arrêté quelques jours plus tôt. La gestapo n’a pas découvert qu’il appartenait à un réseau de résistance. Grâce à son sang froid - il retient les policiers - madame Halbwachs peut s’échapper de justesse. Incarné à Fresnes il est bientôt déporté à Buchenwald. Là il est envoyé travailler à la carrière, cette invention des SS chargés des camps qui voulaient extraire les pierres qui serviraient à construire les bâtiments officiels du millénaire nazi[40].Il participe pourtant à la vie du camp : « nous savons ,écrit G. Canguilhem,qu à Buchenwald il a mis son intelligence et son cœur,son savoir et son dévouement ,au service de ses camarades,qu’il a participé à la vie intellectuelle du camp,qu’il a donné quelques conférences, notamment sur Marx, sur la natalité allemande dont la baisse incontestable était bien connue du spécialiste des questions de démographie qu’il était ».[41] Il meurt d’épuisement le 16 mars 1945.

 

Tout montre que Maurice Halbwachs a été assassiné parce qu’il adhérait à la philosophie rationaliste de la connaissance héritée du cartésianisme et des Lumières parce qu’il avait été dreyfusard et avait toujours refusé l’antisémitisme, parce qu’il avait mis ses connaissances au service d’un droit protégeant les solidarités collectives contre les menaces des forces économiques capitalistes, parce qu’il savait mieux que quiconque après ses travaux sociologiques et démographiques que les migrations de travail deviennent toujours des immigrations de peuplement et ne menacent en rien une « race » imaginaire pure et supérieure, parce qu’il savait tout ce que les hiérarchies sociales ont d’arbitraire, parce qu’il considérait que la sociologie en Allemagne empêtrée qu’elle était dans un vague romantisme et une condamnation des formes sociales contemporaines faisait fausse route, parce qu’il avait pensé la sociologie comme une connaissance opposée à la soumission et à l’enrôlement dans les rangs d’une idéologie conservatrice, parce qu’il s’était engagé dans une entreprise scientifique qui, comme l’a écrit Pierre Bourdieu « mettait les armes de la raison au service des conditions de la générosité »[42], parce que, tout simplement, il pratiquait une sociologie ayant une ambition de tolérance et d’émancipation qui dérangeait et suscitait la haine- comme elle le fait encore aujourd’hui,- de tous les propagandistes des mystifications et mythifications de l’Ordre.

 

 


Offerlé M. Le nombre de voix ; lecteurs, partis et électorats socialistes à la fin du XIXème siècle en France. Acte Recherche Sciences Sociales. 1988, N° 71-72, pp. 6 – 21.

 

Mauss M. Ecrits Politiques. Textes réunis et présentés par Marcel Fournier, Paris, Fayard, 1997.

[1]

 Reberioux M. La république radicale ? 1898 – 1914. Paris, éd. Seuil, 1975.

 

Durkheim E.Textes,1.éléments d’une théorie sociale. Paris, Minuit, 1975.Baumont M. Essor industriel et impérialisme colonial (1878-1905). Paris, Alcan, 1938.

 

Seignobos Ch. L’évolution de la 3ème république. 1875-1914 in Lavisse E. Histoire de la France Contemporaine. Paris, Hachette, 1921.

 

Karady V. Les professeurs de la République ; le marché scolaire, les réformes universitaires et les transformations de la fonction professorale à la fin du XIXème siècle. Actes Recherche Sciences Sociales. 1983, N° 47-48, pp. 90-113.

 

 

 



[1] Baumont M. Essor industriel et impérialisme colonial (1878-1905). Paris, Alcan, 1938.

[2] Seignobos Ch. L’évolution de la 3ème république. 1875-1914 in Lavisse E. Histoire de la France Contemporaine. Paris, Hachette, 1921.

[3] Karady V. Les professeurs de la République ; le marché scolaire, les réformes universitaires et les transformations de la fonction professorale à la fin du XIXème siècle. Actes Recherche Sciences Sociales. 1983, N° 47-48, pp. 90-113.

[4] Offerlé M. Le nombre de voix ; lecteurs, partis et électorats socialistes à la fin du XIXème siècle en France. Acte Recherche Sciences Sociales. 1988, N° 71-72, pp. 6 – 21.

[5] Mauss M. Ecrits Politiques. Textes réunis et présentés par Marcel Fournier, Paris, Fayard, 1997.

[6] Reberioux M. La république radicale ? 1898 – 1914. Paris, éd. Seuil, 1975.

[7] Durkheim E.Textes,1.éléments d’une théorie sociale. Paris, Minuit, 1975.

[8] Charle Ch. Le champ universitaire parisien à la fin du 19e siècle. Actes Recherche Sciences Sociales 1983. N° 47-48.

[9] Charle Ch. Op. cit.

[10] Karady V. biographie de maurice halbwachs  in Classes sociales et morphologie . Paris,Minuit , 1972.

[11] Heilbron J. Les métamorphoses du durkheimisme. 1920-1940. Revue française de sociologie. 1985, XXVI, pp 203-237.

[12] Karady V. Les sociologues avant 1950.Regards sociologiques. 2001,n°22,pp 5-22.

[13] Kuisel R.F. Le capitalisme et l’Etat en France. Modernisation et dirigisme au XXe siècle. Paris, NRF-Gallimard, 1984.

[14] Halbwachs M. Matière et société. In Classes sociales et morphologie. Op . cit.

[15] Müller B. Critique bibliographique et stratégie disciplinaire dans la sociologie durkheimienne.Regards sociologiques .1993,n°5,pp9-23.

[16] Halbwachs M. Les cadres sociaux de la mémoire. Paris,Albin Michel, 1994,(1ère édition 1925)

[17] Halbwachs M.  La psychologie collective du raisonnement . in Classes sociales et morphologie. Op. cit.

[18] Rammstedt O. A propos de la constitution d’une « sociologie allemande » ; théorie et empirisme dans la détection de l’ennemi du peuple. Regards sociologiques 1995, N° 5, pp 35-54.

[19] Bourdieu P. L’ontologie politique de Martin Heidegger. Paris, Minuit, 1988.

[20] Rammstedt O. op.cit.

[21] Rammstedt remarque que les soi-disant retraits, vers 1936-1937, d’un certain nombre de sociologues n’étaient pas pour autant des « renvois vers des niches-refuges » ni une forme d’« émigration intérieure » mais bien le résultat «  d’une sorte de division du travail «  organisant l’efficacité de cette pensée nazie.  

[22] Mayer A.J. La « solution finale » dans l’histoire. Paris, la Découverte, 2002. Préface de P. Vidal-Naquet.

[23] Cite par Remi Lenoir . Halbwachs sociologue ou démographe in Maurice Halbwachs 1877-1945 Strasbourg, P.U.S, 1997.

[24] Marrus M.R., Paxton R.O. Vichy et les juifs. Paris, Calmann Levy, 1981.

[25] Naquet E.Victor Basch et la Ligue des Droits de l’Homme. Itinéraire d’ un dreyfusard politique( 1898-1940)in Basch Fr.,Crips L.,Gruson P. (ed.) Victor Basch 1863 1944,un intellectuel cosmopolite. Paris, Berg international ,2000.

[26] Marrus M.R., Paxton R.O. op. cit.

[27] Marrus M.R., Paxton R.O. op. cit.

[28] Muel Dreyfus F. Vichy et l’éternel féminin. Paris, Seuil, 1996.

[29] Shapiro G. Défense et illustration de l’honnête homme. Les hommes de lettre contre la sociologie. Actes Recherche Sciences Sociales. 2004, N° 153, pp 11-27.

[30] Serry H. Saint Thomas sociologue ? Les enjeux cléricaux d’une sociologie catholique dans les années 1880-1920. Acte Recherche Sciences Sociales. 2004, N° 153, pp 28-39.

[31] Cité par Muel Dreyfus. Vichy et l’éternel féminin. Op. cit.

[32] Barrows S. Miroirs déformants.Paris ,Aubier,1990.

[33] Marrus M.R., Paxton R.O. op. cit.

[34] Mayer A.J. La solution finale dans l’histoire. Op. Cit.

[35] Muel Dreyfus F. Vichy et l’éternel féminin. Op. Cit.

[36] Henry O. De la sociologie comme Technologie sociale. La contribution de Jean Coutrot, 1895-1941. Actes Recherche Sciences Sociales. 2004, N° 153, pp 48-64.

[37] Muel Dreyfus F. Vichy et l’éternel féminin. Op. Cit.

[38] Lacroix Riz  A. Industriels et banquiers sous l’occupation :la collaboration économique avec le Reich et Vichy.Paris, A.Colin,1999.

[39] Basch Fr. « Le juif paye toujours » in Basch Fr., Crips L.,Gruson P. (ed.) Victor Basch 1863 1944 , un intellectuel cosmopolite. Op. cit.

[40] Reichel P. La fascination du nazisme. Paris, O. Jacob, 1997. Dans un chapitre intitulé Construction et Habitat, P. Reichel montre que les bâtiments du nazisme « voulaient rappeler les villes romaines, les tombeaux des pharaons égyptiens et les temples antiques »… Tout « soulignait l’aspect mystique et sacré du pouvoir d’Etat ».

[41] Canguilhem G. Maurice Halbwachs (1877-1945) . Mélanges,1945,tome V.

[42] Bourdieu P. L’assassinat de Maurice Halbwachs. Visages de la Résistance.1987,n°16,pp161-168